Caractère

Autant le dire, tu n’as rien pour toi Raghnall. Tu es une saloperie, une vermine profondément mauvaise, pire qu’un cafard. Increvable empoisonnant la vie des autres à ta façon. Pourtant, tu ne présentes pas comme tel, te montrant sous des allures de bonnes coccinelles colorées. Ton excentricité surprend, quand tu apparais, on ne voit que toi, par ton apparence atypique et ton caractère envahissant. Tu sais te faire remarquer, de façon positive malgré une pointe de taquinerie.

Tu es accueillant, ton sourire éternellement gravé sur ta face, rassurant ceux qui te parlent. Tu dégages un charisme qui apaise et met facilement en confiance. Galant, tu es toujours au petit soin avec les femmes, flatteur et attentif avec les hommes. Tes belles paroles annihilent toute suspicion à ton égard. Tu es très sociable et agréable à écouter, car tu vas toujours dans le même sens que tes interlocuteurs, non sans garder un air énigmatique. Tu sais les ensorceler, les manipuler avec intelligence par des mots hypocrites et faux.

Car tu n’es que mensonge et fourberie. Le mensonge est propre à l’homme. Un art malsain qu’aucune autre espèce animale n’a su développer et que tu maîtrises à merveille. Tu mens comme tu respires, tu as le contrôle total sur tes mots à en rendre jaloux le divin Loki. Dieu de la discorde, tu aimes jouer de tes gens avec malice et opportunité, choisissant des mots réfléchis. Tu ne crois pas en l’échec, tu es un être optimiste et tu t’en donnes les moyens. Tricheur dans tes actes, tu uses de tout pour assouvir ta cupidité. Fausse générosité cachant un profond égoïsme. Tu aimes les belles choses et l’opulence quand tu ne t’attardes pas sur des choses simples telles que la musique, grand mélomane que tu es. Et tu aimes montrer ta classe sociale, dilapidant ta richesse pour mieux la récupérer.

Lorsque tu laisses tomber le masque du mensonge, lorsque tu es agacé, fatigué ou perché par les substances illicites que tu ingères, tu révèles ta folie profonde. D’abord par un cynisme blessant et nihiliste avant de te montrer violent dans tes actes. Tu es un être profondément sadique, tel le chat qui joue avec ses proies sans daigner les dévorer. La pitié, tu ne la connais pas, mais tu l’exploites et t’en amuses. Mais ta violence n’est pas animale, l'agressivité est rarement ton guide, tu es plus subtil dans ta colère. Enfin, sauf à certaines périodes où les limites sont rompues et que l’animal est de sortie.

Les trucs en + : tu aimes les fringues excentriques, en porter une multitude – tu aimes les chapeaux – tu consommes régulièrement de la cocaïne – tu as une mémoire d’éléphant – tu collectionnes les pierres – tu as des penchants sadiques – ton plat préféré est le chirashi de saumon – tu détestes les aubergines – tu fais des coups de pute quand on s’y attend le moins – tu brises des objets quand tu es contrarié – tu es tactile – tu es incapables de dormir sans une présence dans ton lit - tu sais très bien faire la cuisine – tu aimes chanter sous la douche – tu as une voix enrouée qui ne monte pas dans les aigus – tu ne sais plus pleurer – tu es gaucher – tu as une batte prénommé Allan - tu te confies difficilement – tu aimes le jus d’orange sanguine – tu sais jouer du piano – tu aimes les couleurs chaudes – tu aimes les froufrous et la dentelle – les poules, meilleurs animaux du monde – puis d’autre choses encore...

Physique

Vision atypique que tu nous offres. Tu ne cherches pas la discrétion, tu n’es pas l’homme en noir qui se mue dans la pénombre. Non, toi, on te voit de loin, comme un phare dans l’obscurité, une lampe attirant tous les papillons de nuit alentour. Ton apparence surprend et étrangement met à l’aise. Tu n’as jamais compris les dealers qui se cachent sous une capuche, les assassins derrière un foulard, car on ne voit qu’eux parmi tous et c’est un sentiment de méfiance qui naît en chaque personne qui les regarde. Toi, on te voit, alors on pense que tu ne veux aucun mal, trop voyant pour te permettre ce genre de fantasy macabre, trop voyant pour inspirer la crainte. Et pourtant. Lorsqu'on te connaît de sombres réputations, on frémit à l’entente de ton patronyme. Enfin jusqu’à ce qu’on te voie, sourire rassurant sur tes fines lèvres, voix douce et rauque sonnant tes cordes. On doute de ces on-dit, on se risque à la confiance.

Tes yeux couleurs rapaces ne quittent jamais leur cible, aussi perçant que doux, où on peut lire une pointe de vide au fond des pupilles. Fatigués par les nuits trop courtes, ils sont creusés par le temps qui passe et les années qui s’ajoutent. Tu as presque quarante ans, et pourtant, tu arrives encore à garder une certaine forme, faisant sans doute un peu moins que ton âge ; surtout si tu rasais cette barbe de trois jours quotidienne. Ton visage fin est entouré d’une épaisse masse de cheveux châtains roux, indiscipliné autant que ta mentalité et toujours surmonté d’un élégant chapeau.

Du haut de tes uns mètres quatre-vingt-douze, tu n’es pas très baraqué, ni même gros. En réalité, tu es plutôt fin, sans être maigre, marqué par le temps et les expériences. Ce sont les couches de vêtements que tu portes qui te donnent du volume, en plus de cacher les nombreux tatouages traditionnels qui recouvre ta peau blanche parsemée de tâches de rousseurs discrètes. Tu t’habilles toujours de façon harmonieuse, bien qu’excentrique, privilégiant souvent le noir et le gris avec une pointe de couleur. Tu les choisis avec soin malgré tes apparences de clochard chic ou de Van Hellsing. Et tu ne t’habilles que chez les plus grands. Sur ton épaule, est constamment perchée ton amie, touche de plus dans ton style atypique, une petite poule Ayam Cemani au fort caractère, aussi adorable qu'insupportable.

Amusez-vous à me juger sur les apparences, c'est mon but. C'est amusant de vous voir rassurer, face à un vieux qui vous sourit, et écoute vos pourquoi, vos comment. Mais mon plus grand plaisir, c'est lorsque, avec ce même sourire rassurant, je vous dis ce que je risque de vous faire si vous ne me donner pas l'argent que vous devez au clan. J'ai beaucoup d'imagination et j'ai tendance à réaliser mes menaces avec le plus grand soin .

Histoire

I
AMOUR
Par où commencer ? Dans une certaine logique, par la naissance, l’enfance, l’adolescence. Mais cette partie de cette vie est aussi banale que toutes les autres vies. Raghnall a été longtemps monsieur tout le monde, se démarquant peu du plus grand nombre. Un parfait petit japonais se fondant dans la société. Mais cela serait mentir que de dire qu’il n’as pas vécu des choses uniques pendant sa jeunesse. Alors, on va commencer par le début pour ne pas perdre les lecteurs. Non, on va même remonter bien plus haut dans le temps.

John Nicolson était un Anglais béta tout ce qu’il y a de plus banal. Il avait ses rêves, ses passions et deux d’entre elles étaient la pâtisserie et le Japon. Il était fasciné par ce pays depuis qu’il y était allé une fois dans sa jeunesse ; par sa culture, ses mœurs, un autre monde. Alors ce fut tout naturellement pour lui, après l’obtention de son diplôme en pâtisserie, qu’il alla s’installer au Japon pour ouvrir sa boutique.
Une fois installé, son commerce avait démarré modérément avant de se faire connaître du quartier, puis de la ville. Il continua à vivre comme avant, d’une vie simple, assimilant les mœurs du pays pour s’intégrer du mieux possible. John était quelqu’un de bon vivant, un peu extraverti, mais apprenant à garder sa place pour ne pas trop déranger. Il se fit facilement des amis, il était celui qui tirait les gens dehors pour les sortir de leur monotonie. Les clients appréciaient sa joie de vivre.
Mais il l’avait remarqué cette fille. Elle venait tous les jours avec son sourire réservé. Noriko, doux nom de celle qui faisait battre son cœur, le gaijin s’amusa à la courtiser avec politesse à chacune de leur rencontre. Cela fonctionna, puisqu’elle finit par s’éprendre de l’homme tout naturellement et qu’ils finirent ensemble. Union qui finira en mariage.

C’est dans cette atmosphère de confiance que Noriko tomba enceinte. C’est ainsi que neuf mois plus tard, naquirent deux petits jumeaux, accueillis avec amour par leurs parents. Pour ne pas trop les différencier, ils furent nommés avec un nom de la même origine, ceux des grands-pères gallois de John : Raghnall et Alastair.


II
DUO
L’enfance de Raghnall fut tout à fait normale : joyeuse et entourée par des parents aimants. Avec son frère, Alastair, ils formaient un duo inséparable. Bien qu’ils ressemblaient tels des reflets dans un miroir, au niveau du caractère, ils étaient les deux faces d’une même pièce. Opposée à tel point que l’addition de leurs deux êtres en formait une complète. Là où son frère était la force et la réserve, Raghnall était l’intelligence et l’extravagance. Alastair était donc bien meilleur dans les matières sportives et philosophiques, alors que Raghnall excellait en mathématiques et littérature. Leur force était que chacun comblait les lacunes de l’autre. Alors que Raghnall poussait son frère à toujours avancer, à ne pas s’arrêter à la moindre difficulté et avoir un peu plus confiance en lui, Alastair le freinait dans ses actes parfois beaucoup trop spontanés et calculateurs. Le manque d’empathie de Raghnall l’aveuglait lorsqu’il allait trop loin dans ses propos acerbes. Évidemment, leur façon d’être, avait fini par influencer leur physique, et Alastair était devenu une personne bien plus baraquée sur Raghnall.

Comme on dit souvent, plus c’est grand, plus c’est con. C’était un peu le cas d’Alastair, c’est certain. Mais voilà, c’est mon frère, et bien qu’habituellement, je l’aurais ignoré pour sa bêtise, il n’y a pas plus important pour moi que la famille. Alors, je le défendais face aux professeurs et l’aiderais tant bien que mal lors des révisions. Au début, j’avais espéré qu’on finisse tous deux dans la même université, mais il a fallu me rendre à l’évidence que c’était impossible. Alors je l’ai soutenu dans ses autres choix, malgré mes piques sur son ratage de vie. Je voyais mal comment le sport pouvait être une réussite.

Ainsi, quand Alastair a présenté à ses parents sa volonté d’intégrer le club professionnel de basket pour y faire carrière, son frère était là pour le soutenir. Avec ses sales sous-entendues comme quoi il leur restait au moins un fils pour réussir. Raghnall aimait son frère, mais il avait plus une mentalité de sale capitaliste égoïste, il a toujours été comme ça. Mais Alastair en avait l’habitude et était le seul à voir un bon fond dans ce que disait son frère. Il voyait ses reproches comme de l’inquiétude ou des conseils. À vrai dire, il n’y avait qu’avec lui que Raghnall était franc, son frère avait rapidement remarqué son comportement hypocrite et que ses paroles coïncidaient rarement avec ses pensées. Alors entendre la vérité sortir de ses lèvres, c’était un peu entrer dans son cercle de confiance.

J’ai appris très rapidement qu’il fallait mentir pour avoir ce que je souhaitais, pour être le premier. Un sourire et quelques belles paroles, et c’était gagné. Et puis, je m’en foutais royalement si ça portait préjudice à mes interlocuteurs. La plupart du temps, je n’étais pas proche d’eux et ne comptais pas les revoir, ou peu. Alors je leur disais ce qu’ils voulaient entendre. Sauf à mon frère, car je ne voulais pas qu’il se cantonne à ses positions. Même si son choix de carrière, c’est de la merde à mes yeux – et il le sait – je le savais tout de même capable d’y parvenir. Il était doué en basket, cela ne faisait aucun doute. Sans ça, je ne pense pas que je l’aurais soutenu autant dans son rêve. Et je me dis maintenant, que j’ai bien fait, ou non. Car son choix a changé nos vies.


III
CANCER
Lorsque Raghnall apprit la validation de son dossier pour Todai, dans la faculté de mathématiques, Alastair passait son examen médical après avoir été accepté dans le club de sport professionnel qu’il visait. Comme à chaque fois, les deux bonnes nouvelles étaient arrivées en même temps et ils comptaient, avec leurs parents, fêter ça le soir même. Lors de la sortie de l’examen, Alastair leur avait dit que tout c’était bien passé, que le médecin avait juste demandé des prélèvements sanguins en plus et lui avait fait passer une radio pour vérifier quelque chose, sans vraiment donner de détail. Il ne s’inquiétait pas, se sentant bien dans sa peau. Personne ne s’inquiétait et tout devait se passer dans le meilleur des mondes. Alors forcément, quand quelques jours plus tard, l’hôpital convoqua Alastair pour le bilan, ils eurent comme l’impression que le sol se dérobait sous leurs pieds.

Un cancer. Mon frère avait un putain de cancer du pancréas. Et il fallut que ça tombe sur lui. L’ascenseur émotionnel me fut irrémédiablement violent. Mais malgré le pronostic pessimiste de la maladie et le fait qu’on n’avait pas les moyens de payer la chirurgie et le traitement à long terme, je ne voulais pas baisser les bras au risque de perdre mon petit frère.

Raghnall entra donc à Todai, le cœur lourd, alors qu’une partie des revenus de ses parents fondaient dans les premiers soins d’Alastair. En parallèle, il se mit aux jeux d’argent dans la cour avec d’autres étudiants. Après s’être documenté sur la psychologie humaine et les jeux de hasard, Raghnall se découvrit un don pour ça, pour entourlouper les gens, et ce, sans tricher : il ne retirait pas la bille sous les verres, son jeu de cartes était entier, il ne jouait qu’au bluff et à la persuasion, laissant gagner de temps en temps son adversaire pour plus de sécurité.

En ce temps-là, je n’ai jamais arnaqué personne. Je savais que si je le faisais, ça allait me retomber dessus et que j’allais avoir des problèmes. Surtout que ce que je faisais était interdit dans la faculté et je risquais déjà beaucoup avec mes conneries. Mais je n’avais pas trouvé d’autre moyen pour aider mon frère. Si j’avais pu lui donner une partie de mon pancréas, je l’aurais fait. Mais ça ne fonctionne pas comme le foie ou la moelle osseuse. Il a un frère jumeau et ce crétin n’a pas choisi une maladie ou le don aurait pu le sauver.


IV
DETTES
Ce n’était pas suffisant. Arnaquer ses camarades de classe avait permis à Raghnall d’aider à payer les premiers soins, mais le traitement de son frère coûtait cher et les avances devenaient de plus en plus difficiles. Et ce, malgré les heures supplémentaires au travail de son père. Il fallut qu'il trouve un autre moyen de trouver de l’argent et après mainte recherche, il en trouva une.

Est-ce une bonne idée ? Non. Est-ce que j’ai le choix ? Non plus. Mais je n’avais pas trouvé de meilleure solution que celle-là. Tant pis si ça me fout dans la merde pendant dix ans. Mesures désespérées pour un acte désespéré. Demain, je vais demander de l’aide à ces yakuzas de Takahashi.

Le lendemain même de sa prise de décision, il était allé proposer ses services à la famille Takahashi en échange d’argent. Raghnall n’en dit rien à sa famille. Mensonge sur mensonge. Il prétexta avoir trouvé un petit travail à côté. Mais après les cours, il jouait les sous-fifres, remplissant des missions basiques mais pas toujours très légales. N’étant pas membres du clan, les tâches se résumaient souvent à des transferts de biens et des ventes. Drogues, armes, divers objets, il ne cherchait pas vraiment à savoir ce qu’il y avait dans les colis. Mais il savait que la moindre erreur pourrait lui coûter, alors il se montra très assidu à cette tâche. A vrai dire, il se prêta même au jeu, étant plutôt virulent si on ne lui remettait pas la somme correct du bien livré.

Si je ne rendais pas l’argent de mon travail, Fumihiro Morioka, le kakei, envers qui je devais rendre mes comptes, risquait de me tomber dessus. Je n’étais pas officiellement un yakuza, mais juste un type qui travaillait pour eux afin de rembourser des dettes. J’avais donc moins de marge, et je devais déjà m’estimer heureux de ne pas devoir me prostituer pour eux. Mais si ça avait été nécessaire, je l’aurais fait - même si c’est un taff d’oméga. Car ce n’était pas assez, il me fallait plus, toujours plus au point de demander moi-même plus de tâches aux Takahashi. Malgré les soins, son état ne s’arrangeait pas et il avait développé d’autres tumeurs. Je savais pertinemment qu’il était foutu, mais temps qu’il ne renonçait pas, je ne le faisais pas non plus. Même si je dois rembourser un million pour payer des opérations et soins inutiles, je le ferais.

Son année de faculté passa avec beaucoup de nuits blanches. Alors que Raghnall obtenait ton diplôme de réussite en comptabilité, la vie de son frère finit par s’essouffler. La victoire avait le goût amer de la défaite. Il savait qu’il a fait tout ça pour rien, mais il a tenté, il lui a permis de vivre un peu plus et il ne peut s’en vouloir. Et pourtant, Raghnall avait du mal à accepter la mort de son jumeau. Son deuil, il ne le manifesta pas par une réclusion dépressive, mais par du zèle au travail et une présence sociale encore plus extravagante.

J’ai proposé mes compétences en comptabilité à Morioka-san. Je me lassais d’être juste celui qui bossait pour rembourser ses dettes. Je suis déjà bien intégré et franchement, je n'ai plus rien à perdre. Peut-être que c’est juste une raison de vivre que je me cherche. Là où je me plais le plus. Qu’importe.

Fumihiro Morioka avait déjà eu des vues sur les compétences de Raghnall et son sérieux envers la famille. Alors, il s’était montré plutôt ravi de la demande du jeune homme de vouloir intégrer les yakuzas et devenir kakei. Il le prit donc sous son aile, en apprentissage pour ce métier, le temps d'évaluer ses réelles capacités pendant quelques mois. Auquel cas il l’aurait envoyé chez les shatei.


V
NOUVELLE FAMILLE
Fumihiro Morioka, m’avait donné sa chance et Raghnall le voyait comme un modèle et un père – bien que le sien le soit aussi par son zèle au travail. La vie de Raghnall ne changea pas tant que ça. Il suivit l’apprentissage des yakuzas pendant six mois. Il s'investit à fond dans cette nouvelle voie, comme à chaque nouvelle découverte. Il arbora une nouvelle vision du monde des yakuzas, son côté traditionnel, familial, presque rassurant. Bien entendu, il vit aussi les mauvais côtés au-delà de ceux qu’il avait déjà aperçus, mais qu’il prit comme nécessaire pour l’ascension du clan.

Lors de l’intronisation, c’était la première fois que j’avais l’honneur de voir l’Oyabun. Du haut de mes vingt-trois ans, il m’avait impressionné, de par sa prestance et son caractère très strict sans forcément être effrayant. Du moins, à mes yeux. D’âge mûr, sa voix rauque portait dans toute la salle et faisait taire les chuchotements. On avait qu’une envie, c’était de l’écouter et acquiescer ses paroles. La cérémonie s'était bien passée, et je me souviens avoir sursauté quand tout le monde s’était exclamé à la fin, tout en me sentant envahie d’une certaine fierté.

Depuis son intronisation au Takahashi-kai, Raghnall menait une double vie. Même sa famille n’était pas au courant de ses activités et en ce temps-là, il trouvait toujours le moyen de venir aider un peu son père à la pâtisserie quand il en avait besoin. En parallèle, le travail qu’il fournissait au clan permit de rembourser l’intégralité de sa dette.
Raghnall avait du caractère, et une grande gueule comme on le disait souvent, mais il savait garder un grand respect pour ses supérieurs et les traditions du clan. Il se fit donc en quelques années, une place confortable en tant que Kyodai, toujours apprenti de monsieur Morioka.

Je ne me permettrais pas de dire que j'étais plus doué que mon mentor, mais j'étais devenu rapidement son égal, lui prouvant mes compétences. Alors, sans enfant, Monsieur Morioka me proposa naturellement de prendre sa place de kakei lorsqu'il prendrait sa retraite. Je connaissais tout du fonctionnement comptable, et avais déjà donné de nombreux conseils bénéfiques à mon parrain.

Ainsi, à la prise de retraite de Fumihiro et Raghnall prit sa succession en tant que Kakei avec la recommandation de ton mentor et l’accord de l’Obayun.
Ceux que Raghnall supervisé, le respectaient autant qu’ils le craignaient. Il était juste avec eux et il acceptait de pardonner leur faute une fois, enfin sur les fautes minimes. Mais jamais deux. Mais c’était rare qu’on ose le décevoir deux fois de suite, lorsqu’on subissait ses premières mises en garde. Car il n'hésitait pas à ruiner ceux qui lui résistent dans tous les sens du terme.
Uniquement, par le travail et la confiance, il avait su se faire une place et se hisser dans l’organisation et surtout aux yeux de l’Obayun. Raghnall pouvait être égoïste et avare, dès que cela concernait sa seconde famille, et notamment l’Obayun, ces traits de sa personnalité s’effaçaient pour faire place à un don de toi exacerbé. Toujours en respect et en accord avec les décisions d’au-dessus, ceux d’en dessous, ses petits frères, subissaient souvent son côté un peu trop protecteur. Enfin, tant que la loyauté était présente. Alors quand le Shateigashira de la famille fut tuer lors d’une mission, Takahashi-sama lui proposa de reprendre son rôle.

Je n’ai pas dit oui, tout de suite. Non pas que je ne souhaitais pas ce rôle, j’étais fier de cette confiance que me donnait Takahashi-sama. Mais, sur le moment, je ne m’en sentais pas digne, alors j’avais demandé un temps de réflexion. Je devais aussi voir si ça n’allait pas compromettre mes activités. Au cours de ces années, je m’étais rapproché d’Akira Takahashi, et j’avais pu prendre connaissance de ses activités des bras de l’Obayun, de leur façon de travailler. Je savais donc très bien en quoi consistait ses responsabilités. Alors, j’ai pris quelques jours pour poser le pour et le contre après qu’on m’ait accordé un délai de réponse. L’Obayun savait que je n’étais pas du genre à prendre des décisions impulsives et c’est ce qui était apprécié pour éviter les erreurs. Voyant que rien ne pouvait y faire défaut, j’avais fini par accepter ce rang avec honneur. Après, je ne vous cache pas qu’une des raisons de mon choix, c’était parce que je commençais à me faire chier de ma routine de Kakei. Et que le terrain comme je l’avais vécu à mes débuts me manquait.

En une vingtaine d'années, à partir de rien, d’aucune affiliation, aucun piston, juste des liens de confiances et de travail, Raghnall avait réussi à se hisser à la troisième place du clan. De ce fait, personne ne remettait en doute sa position. Pour certains, il est un oncle un peu regardant et soucieux – le père étant l’Obayun – pour d’autres, un Loki avare dont le seul pseudonyme fait trembler d’effroi ceux qui osent résister au clan.


VI
TRAÎTRISE
Étrange façon de relever le clan que passer par un mariage. Mais depuis un moment, la société Takahashi allait mal et tous les moyens étaient bons pour qu’elle se relève. Quitte à passer une alliance avec les Saito. Et si le seul moyen pour sceller le contrat était un mariage, alors soit.

Quand j’ai entendu la nouvelle, ma première réaction a été de me marrer. Ce qu'Akira prit assez mal. Heureusement, il me connaissait assez pour savoir que ce n’était pas une vraie moquerie, mais plus un rire nerveux. Il savait que j’étais fidèle à l’héritier de la société et que mon franc parlé en était la preuve. Sérieusement, se marier avec un omega par arrangement, je n’aurais pas aimé être à sa place.

Mais hélas, l’heureux événement n’eut jamais lieu. Alors que de l’argent avait été foutu en l’air pour ce mariage, enfin, cette alliance, un tragique événement eut lieu. Un attentat orchestré par les Orlovs qui souffla de son explosion tout espoir, amenant dans le brasier ardent son lot d’instabilité.

Tout explosa. J’étais sortie cinq minutes fumer une clope. Le sursaut et la peur aux tripes, les faibles braises de ma cigarette s'étaient écrasées sur le sol alors que j’étais rentré en trombe voir ce qu’il s’était passé. Une vision de cauchemar m’a fait face d’une noirceur cendre. Alors que le thème blanc de l’événement avait viré sombre, les fleurs partant en cendre, les corps jonchaient le sol comme des feuilles mortes en plein mois d’automne sous les gémissements des blessés tel un écho de la catastrophe. Mon premier réflexe a été de courir vers l’Obayun, pour me rendre compte que je ne pouvais plus rien faire pour lui. Dents et poings serrés, je mis ma colère de côté pour mettre Akira-san, toujours en vie, mais blessé, en sécurité. Son fiancé, happé par la faucheuse explosive lui aussi. Ils allaient payer pour ça. Tous. Les Orlovs et leurs alliés.

Ce fut un coup difficile à encaisser pour la famille Takahashi, mais ce ne fut pas la dernière. Alors que l’Obayun venait de décéder et que l’héritier qu’il avait prévu et éduqué était Akira, c’est son cousin Kou qui fut mis à la tête de la famille. Raghnall était contre, toujours fidèle aux choix de l’Obayun de son vivant. Cependant, il garda ça pour lui, le clan étant déjà fragilisé et instable, apporter une dissension en plus en interne n’était pas envisageable. Non, à la place, Raghnall prit son rôle de Shateigashira au sérieux et celui de Loki également en mentant allégrement sur son allégeance envers Kou et en faisant en sorte d’obtenir sa confiance. Mais dans l’ombre, Akira pouvait compter sur la fidélité de son ami, qui servait d’intermédiaire entre les deux cousins qui ne se parlaient plus.