Caractère

Une rancune tenace siège profondément ancrée dans son être. Comme un animal tenu en laisse après des années, elle se fond derrière un visage de façade qu'il avait mis des années à élaborer pour que celui-ci semble aussi véritable que le sentiment qu’il avait ressenti lorsque son monde s’était effondré. Pourtant, sous quelques conversations, les mots se tordent vers une négation improvisée, ils deviennent mordants, blessants mais l’alpha n’y peut rien, cette rancune il ne la maîtrise pas, affluant dans sa poitrine comme pour oublier une trahison qui s’est développée à travers les années.

Une tension sauvage semble régner en permanence autour de l’alpha, pourtant lorsque l’on se défait de cette première impression, celui-ci apparaît comme un chien fidèle dont le sourire n’est pas de ceux factices. En effet, il ne se tord pas de faux-semblants qu’il est possible de trouver dans un domaine aussi élitiste que le sien. San l’a appris. Il sait ce qu’il souhaite, et il y parviendra ainsi avec ses propres convictions.

Une authenticité pure se dégage de ses actions tant de sa sympathie lorsqu’il approche les plus réticents. Parfois même un peu brusque, il ne démord pas de son honnêteté qui montre un cruel manque de tact. Mais San est ainsi, ne s’accablant pas de formules protocolaires qui peuvent se montrer aussi barbantes qu’agaçantes. Tout comme, l’alpha désapprouve le fait que l’on puisse tourner autour du pot sans jamais aller droit au but. Il lui arrive alors de s’en énerver. Non pas qu’il puisse se montrer particulièrement colérique, mais agacé, il ne lui faudra pas passer par quatre chemins pour exprimer ses ressentiments.

Sa fureur devient alors glaciale, San devient un animal sauvage qui ne se laisse pas interrompre par la moindre intimidation. Il domine de sa colère, il est inflexible dans chacun de ses mots. Mais il n’élève jamais la voix. Celle-ci reste basse, comme une menace sous-jacente à laquelle on ne peut se soustraire si aisément.

Une assurance se dégage de l’alpha comme si rien ne pouvait l’atteindre. Tant par sa carrure que par l’expression qui orne son visage, il semble inébranlable aux yeux de tous. Mais une bienveillance chaleureuse s’évade de ses billes d’acier, San est d’une gentillesse profonde et sincère lorsque l’étau de sa fureur ne maintient pas les traits sévères de son visage.  

Finalement un mince sourire se dessine sur son faciès, souvent celui-ci est en coin pour exprimer un contentement. San n’est pas particulièrement expressif. Du moins, il les a perdues avec le temps, mais ce n’est pas pour autant qu’il en est moins serviable. C’est une qualité qui ne s’est pas étiolée avec l’envolée de ses ambitions. L’alpha a ces épaules sûres et solides sur lesquelles on peut s’y poser sans craindre qu’elles ne vacillent.  

Et s’il ne semble pas montrer émotion à l’égard de ceux qui le côtoient, ce n’est qu’un rempart qui ne dissimule en rien l’empathie qu’il porte aux autres.

Physique

La silhouette se dessine à travers une ombre aussi massive qu’inquiétante. Aussi sombre qu’une valse abyssale, la courte chevelure de jais tombe le long d’une mâchoire finement sculptée, contrastant alors avec l’azur lumineux qui orne les orbes au milieu de son visage. La pupille fend l’iris céruléen, flagrante démarque, il a ce regard félin dangereux. San a cette élégance rare, celle au caractère remarquable lorsque l’on décrit la courbe de son faciès. Un sourire indéfinissable plisse ses lèvres fines, déforme le galbe de la joue où se marque une fossette imperceptible. Le derme clair se tend, sublimé de la faible lueur qui se dégage de sa chambre.

Lorsque l’on quitte le regard hypnotisant, il est possible de s’arrêter sur les larges épaules, bordées des pointes brunes indomptables. L’alpha laisse la fine musculature rouler en une valse harmonieuse.

Il est grand. Non, il est immense, un mur de près de deux mètres qui ne démord pas de sa puissance colossale. Il sait ce qu'il est, et il en est fier de ce dur labeur qui l'a mené jusqu'à ce physique terrifiant. La musculature est loin d'être souple, non elle est féroce si proche de celle d'un prédateur.

Histoire

San avait décidé de colmater les dernières traces de son passé afin de ne pas ruminer la douleur encore lancinante qui perçait sa poitrine. Le visage enfouit entre ses doigts, l’alpha resta silencieux, assis sur sa chaise. Il attendait qu’on lui annonce qu'il doive retourner sur le plateau.  

Il s’était plongé dans la nostalgie de ses souvenirs dès lors que le visage gracile de son amour perdu s’était gravé sur chaque magazine qui avait croisé son chemin dans la matinée. Après toutes ces années, l’alpha peinait encore à tourner une page qu’il aurait dû arracher dès que les mots avaient été prononcés.

~

“Tu m'ennuies, dégage.”

La douce harmonie du couple s’était brisée à la mention de ces mots. Sa première réflexion se montra aussi brutale que la rupture qu’il avait ressenti au fond de sa poitrine. La main de l’alpha rencontra l’épaule de son partenaire qu’il serra avec plus de force qu’il avait prévu.

“Comment ça, 'je t'ennuie' ?”

La mâchoire puissante s’était crispée, et le regard bleuté de San ne démordait pas tandis qu’il attendait des explications de la part de Masahiko. Seulement, il se heurta à un mur glacial dénué de la moindre expression. La lueur de ses orbes qui habituellement se marquaient d’une faible lueur d’affection, s’étaient brutalement refermées.  

Cette simple constatation fit s’éteindre le moindre mot qui aurait dû s’élever des lèvres de l’alpha. Un silence demeura, alors qu’il le voyait s’éloigner.  

~

Ne pas ruminer, c’était un point que San s’était forcé à adopter. Son attention se porta alors sur la petite bonne femme qui courait à gauche et à droite de meilleurs contrats et cette fois-ci, elle piaillait à ses côtés pour lui rappeler ce qu’on attendait de lui.  

Aiko était une manager sûrement bien plus stressée que lui ne l’avait jamais été, mais il devait avouer que son amusement grandissait lorsqu’il la voyait se démener pour lui. Et sans doute que sans elle, il ne serait pas là où il était désormais.  

“Mais bon dieu ! Tu vas te lever ! Fais quelque chose !”

Elle remua ses bras avec véhémence, hâtant l’alpha qui s’était tu de son flegme immuable. San se leva, la dépassant de deux bonnes têtes, puis s’approchant d’un pas de velours, sa main se glissa sur son épaule. Que voulait-elle qu’il fasse de plus désormais ? Si les photographes n’étaient pas prêts, ce n’était vraiment pas de son fait.

“Détends-toi un peu, soupira le mannequin en roulant des yeux. Tu vas avoir des cheveux blancs avant même d’atteindre la quarantaine.
- Sale pet-… Grand con !”

San ricana en esquivant de justesse le bois de son porte-documents, et se rassit royalement, la joue déposée contre son poing. Son regard d’acier s’arrêta sur la silhouette d’Aiko le temps de quelques instants.

~

“Tu as déjà pensé à ce que tu voulais faire pour la suite ?”

Plongé dans la contemplation du décor qui se jouait à travers la fenêtre, San resta un moment silencieux, ses deux mains enfouies dans ses poches. Une posture nonchalante, témoignant d’un désintérêt presque insultant si on ne connaissait pas l’alpha.

“J’imagine que non. Tu devrais y réfléchir sérieusement, ce serait dommage de ne pas profiter de tes compétences. Tu as un bel avenir devant toi.”

La chaise se balança en arrière, puis il reporta son attention sur son professeur, se laissant retomber en avant. Sa main se posa à plat sur la table alors qu’il surplombait son professeur, ses orbes bleutés se marquant d’une sévérité qui ne laissait place à aucune protestation.

“Écoutez, sans vouloir vous manquer de respect, j’ai déjà choisi ce que je voulais faire. Et comme ça, je n’embarrasserai plus personnes à ponctionner l’argent des autres pour mes études.”

Sans attendre de réponse, San se saisit de son sac pour sortir de la pièce. À l’entrée il se fit prendre d’assaut par les épaules, et un léger sourire détendit son visage.

“Vous m’attendiez ?
- T’aurais vu ta tronche, il fallait qu’on t’attende, c’normal.
- Ouais, bah faut dire que c’était exactement ce à quoi je m’attendais, donc c’est chiant.
- Booh, on va sortir pour te détendre un peu.”

Il haussa brièvement les épaules en réponse. En effet, c’était peut-être une occasion pour lui de s’évader hors de ses tracas au quotidien, tandis que ses années de lycée sonnaient bientôt leurs glas.

Sur le chemin jusqu’à un café, San regardait pensivement ses amis qui le guidaient à travers la ville. Finalement l’un d’eux se tourna dans sa direction, puis ralentit le pas pour se mettre à sa hauteur. L’alpha releva légèrement son sourcil, mais s’abstint de tout commentaire.

“Finalement, même à moi tu m’as rien dit.”

Les larges épaules de l’alpha se baissèrent, puis il poussa un profond soupir lorsqu’il glissa une main fatiguée dans sa nuque.

“Je veux une vie simple, se contenta-t-il simplement de répondre.”

Voyant qu’il n’était pas nécessaire d’insister, il abandonna détournant le sujet sur quelque chose qui raviva légèrement les traits de son ami.  

Mais oui, c’était ça, San désirait tout laisser pour profiter une vie de simplicité à laquelle on ne lui demanderait rien de plus que ce qu’il était et ce qu’il souhaitait être. Après avoir abandonné son groupe, l’astre solaire déclinant peu à peu à l’horizon, l’alpha, se laissa guider jusqu’à la gare pour attendre son prochain train.

Intercepté, avant qu’il n’atteigne la borne, une petite bonne femme semblait essoufflée en tirant la chemise de son uniforme. San retira l’écouteur de son oreille.

“Ça fait dix minutes que je vous course ! S’époumonna la jeune femme en remuant furieusement ses bras.
- Euh... Désolé ?”

Interloqué, l’alpha se baissa pour lui faire face, elle semblait peiner à reprendre son souffle.

“Eh vous allez bien ? Je peux vous aider ?”

Dans sa poche, il diminua le volume de sa musique, lorsqu’elle se saisit subitement de ses épaules en le secouant.

“Il faut absolument qu’on discute !  
- Oui... Je vous écoute, soupira-t-il longuement.”

La jeune femme se reprit en reculant, pour s’incliner avec politesse, puis elle sortit sa carte pour la présenter face à l’alpha. Il la saisit d’une main pour suivre du regard les lignes qui s’y inscrivaient puis il releva ses orbes céruléens dans sa direction, attendant des explications.

“Je m’appelle Aiko Sanegawa, je travaille pour une agence de mannequinat. Et je n’ai pu m’empêcher de remarquer votre physique qui correspond à nos standards. Si jamais vous seriez inté-…
- C’est non.”

San coupa court la conversation en lui rendant sa carte, puis après avoir réajusté son sac, il disparut dans la foule, laissant seule la jeune femme qui était restée bouche bée.

“Mais quel petit con !”

~

“San magne-toi, c’est à ton tour !”

L’alpha se passa une main derrière le crâne en soupirant longuement.

“Ouais, ouais, j’arrive.”

L’immense masse sombre se dirigea jusqu’au plateau où des dernières retouches de maquillages étaient effectuées avec la lumière des projecteurs. L’expression sérieuse de l’alpha se détendit légèrement en un sourire moqueur alors qu’au fond, il voyait Aiko s’agiter dans tous les sens pour lui donner des indications.  

“C’est pour quoi déjà le shooting ?”

Toujours aussi désintéressé, San détourna le regard dans une autre direction pour échapper aux éclairs que lui lançaient sa manager. Mais s’il voulait au moins se mettre dans le rôle, il avait besoin de savoir. Ceux qui avaient pris l’habitude de travailler à ses côtés, ne s’indignaient même plus du désintérêt qu’il portait aux séances, car cela ne l’empêchait pas de faire un travail merveilleux une fois sur le plateau.  

“Des sex toys, lui répondit le photographe en levant son pouce fièrement.”

Quelques murmures et rires lui parvinrent, mais aucune réaction même moindre n’anima le visage de l’alpha. Il plongea son regard dans celui du photographe.

“C’est une blague ?
- Oui.”

Un léger soupir de soulagement traversa ses lèvres, presque imperceptible. Mais au moins il était rassuré de ne pas apparaître dans un magazine pour adulte. L’atmosphère reprenant de son sérieux, l’alpha se passa une main lascive dans les cheveux, son regard bleuté se plissant sous l’éclat des projecteurs. Il attendait toujours sa réponse.

“Une nouvelle sortie de parfum.”

San opina d’un mouvement du crâne, et sous les instructions, le flash des photos éclaira la pièce comme des éclairs lumineux. Une image serait bientôt placardée dans toute la ville, icône de la beauté sauvage des alphas.

~

“Vous êtes encore là ?”

San croisa les bras sur son poitrail, un sourcil s’arquant au-dessus de son regard. Il ne semblait pas en colère, ni même agacé, seulement interloqué d’être ainsi poursuivi pour une histoire qui ne l’intéressait même pas.

“Vous savez que je pourrais porter plainte pour harcèlement ?
- Écoute euh...  
- San.
- Oui ! San ! J’aimerais au moins que tu me laisses finir de te convaincre !
- Et moi je vous répète que je ne suis pas intéressé.
- Une dispute de couple ?
- Mais c’est pas Shimizu-senpai ?
- Vraiment ? Il fait dans les vieilles maintenant ?”

L’alpha leva les yeux au ciel, puis saisit le poignet de la jeune femme, pour l’attirer avec lui plus loin. Dès le lendemain, il ne doutait pas que les rumeurs allaient fuser dans l’établissement. Bien que cela lui était totalement égal, il voulait tout de même éviter les esclandres qui pourraient remonter jusqu’à sa famille. Qui pourraient remonter jusqu’à lui.

“J’arrive pas à croire que vous soyez venue jusqu’à mon lycée, grommela-t-il pour penser à autre chose. Pour la quatrième fois.”

Un rire léger attira son attention, et il s’arrêta pour la regarder.

“Allez viens, je t’invite à prendre un café. Je sais que je pourrai te faire changer d’avis.
- J’ai le droit de refuser ?
- Absolument pas !”

Abdiquant, San se laissa guider docilement. Que perdait-il au final ?